Banques et durabilité : combler le fossé de l'authenticité grâce à l'IA

par Melanie Zimmerling - Senior Manager chez Sopra Steria Next
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À mesure que les attentes en matière de performance ESG crédible augmentent, les banques doivent dépasser le stade du discours. Melanie Zimmerling de Sopra Steria Next analyse comment l’intelligence artificielle permet de générer un impact mesurable et un engagement client plus authentique.

Combien de banques ont été prises au piège d’un “fonds vert” dont certains estiment qu’il ne l’est pas assez ? Cette dissonance entre discours et réalité n'est pas anecdotique : 53% des consommateurs considèrent aujourd'hui les initiatives ESG des établissements bancaires comme principalement marketing. Face à ce déficit de crédibilité, une question s'impose : comment les banques peuvent-elles transformer leurs engagements durables en valeur tangible, pour leurs clients comme pour leur business ?

Melanie Zimmerling, experte en digitalisation et régulation bancaire chez Sopra Steria Next, la division conseil du groupe Sopra Steria, analyse comment l'intelligence artificielle redéfinit cette équation en permettant aux institutions financières de passer de la compliance à la création de valeur authentique.

Le gouffre de l'authenticité

Le fossé entre les promesses ESG et la perception client s'est creusé ces dernières années, cristallisant une défiance généralisée. Pour Melanie Zimmerling, le diagnostic est sans appel. Le fossé existe, explique-t-elle, "parce que les banques parlent beaucoup mais montrent trop peu", alors que "les clients attendent des résultats concrets." Les efforts authentiques se distinguent par leur intégration au cœur du métier et leur traduction dans de vrais produits et services, bien au-delà des opérations de communication.

Cette défiance s'alimente d'erreurs stratégiques récurrentes que l'experte identifie clairement : promesses vagues sans objectifs concrets, sur-communication sur des initiatives mineures, et surtout ignorance des impacts négatifs du cœur de métier : "Les clients remarquent quand il n'y a pas de cohérence entre les mots et les actes."

Mais alors, comment faire pour aller vers un discours de preuve ? La mesure de l'impact ESG est une première réponse. Melanie Zimmerling insiste justement sur la nécessité d’établir des KPIs précis : "L'impact authentique se mesure par les émissions financées, la part d'actifs durables, la diversité dans les instances dirigeantes ou la réduction de consommation énergétique dans les opérations quotidiennes." La conformité, précise-t-elle, se limite à cocher des cases réglementaires, tandis que les vraies métriques démontrent une transformation structurelle du portefeuille et des opérations. Et ces métriques pourraient bien fortement évoluer avec le développement de l’intelligence artificielle.

L'IA, catalyseur de la mutation durable

Les outils d’IA bouleversent en effet radicalement l'équation économique de la durabilité bancaire. Là où les initiatives ESG étaient perçues comme des centres de coût, l'IA ouvre la voie à de nouveaux modèles de revenus. Selon Melanie Zimmerling, cette technologie permet de "personnaliser les recommandations d'investissement durable, automatiser le suivi carbone pour les clients et créer de la transparence dans les données ESG." Les outils pilotés par l'IA guident ainsi déjà concrètement les clients vers des portefeuilles plus verts, générant engagement et fidélité mesurables.

Cette transformation n'est plus théorique : 58% des banques considèrent désormais les technologies axées sur la durabilité comme des sources de revenus significatives. Elles créent de nouveaux produits (prêts immobiliers durables, fonds d'investissement ESG…) et établissent une confiance mesurable qui se traduit en fidélité long terme. Le modèle économique bascule.

La hiérarchisation des investissements technologiques dépend de l'horizon temporel visé. L'experte distingue deux phases : à court terme, l'efficacité opérationnelle et le reporting réglementaire apportent un retour rapide et quantifiable. Mais c'est sur le long terme que les recommandations d'investissement pilotées par l'IA et le suivi de l'empreinte carbone révèlent leur plein potentiel en termes de création de valeur client et de différenciation concurrentielle durable.

Personnalisation et accessibilité : démocratiser l'ESG

Le principal obstacle à l'adoption massive des solutions durables reste paradoxalement la complexité. Beaucoup de clients manquent de connaissances de base en ESG, freinant leur engagement. L'IA apporte une réponse concrète en permettant, selon Zimmerling, de "traduire des données ESG complexes en visuels simples, conseils ou comparaisons de produits." Chatbots et applications de finances personnelles transforment des concepts abstraits en décisions éclairées, montrant aux clients "l'impact de leurs dépenses ou investissements de manière facile et engageante."

Au-delà de la pédagogie, la personnalisation ouvre un nouveau champ commercial. L'IA permet une approche granulaire qui peut transformer la relation bancaire en accompagnement personnalisé vers la transition durable.

La transparence des données constitue le troisième pilier de cette mutation. L'experte souligne que "l'IA aide à nettoyer, structurer et analyser d'énormes volumes de données ESG", rendant le reporting plus fiable. Cette capacité de traitement permet aux clients de visualiser précisément comment leur argent génère de l'impact, comblant ainsi le fossé de confiance identifié initialement.

De la contrainte réglementaire à l'actif stratégique

Le reporting ESG, longtemps perçu comme un fardeau administratif, se métamorphose en outil de pilotage stratégique. Pour Melanie Zimmerling, l'automatisation change la donne :

"L'IA peut automatiser le reporting, identifier les risques et opportunités dans les portefeuilles et simuler des scénarios." Cette transformation libère les équipes des tâches répétitives et élève le reporting au rang d'outil d'aide à la décision, permettant d'anticiper les évolutions réglementaires et de détecter précocement les opportunités.

Les KPIs de succès évoluent en conséquence. Les banques suivent désormais les actifs sous gestion dans les produits ESG, l'adoption de prêts verts, les taux de ventes croisées et les scores de satisfaction client liés à la durabilité. Ces métriques commerciales remplacent progressivement les indicateurs purement réglementaires, signalant un basculement fondamental dans l'approche institutionnelle.

La segmentation client révèle par ailleurs des disparités significatives. Selon Melanie Zimmerling, "les jeunes générations, les particuliers fortunés et les entreprises avec de forts engagements ESG sont les plus disposés à payer pour des solutions durables qui correspondent à leurs valeurs." Ces clients ne se contentent plus d'exprimer des préférences : ils acceptent de payer une prime pour des produits alignés sur leurs valeurs, créant un marché viable et en croissance.

L'équilibre entre rentabilité et impact authentique repose sur un alignement stratégique clair : "Offrir des produits à la fois rentables et durables, mesurer les résultats réels, et être transparent sur les compromis", résume Melanie Zimmerling. Cette approche pragmatique évite les écueils du greenwashing tout en maintenant la viabilité économique. Mais comment faire pour la mettre en œuvre ?

Feuille de route et perspectives

Pour les banques démarrant leur transformation, Melanie Zimmerling recommande une approche progressive en trois temps : définir les priorités ESG et les besoins en données, construire des cas d'usage IA à valeur rapide comme l'automatisation du reporting, puis monter en échelle vers des produits clients personnalisés où se situe le véritable potentiel de différenciation.

Le principal défi ne réside ni dans la technologie, ni dans la régulation, ni même dans l'adoption client. L'experte est catégorique : "Les quatre comptent, mais le plus grand défi est le changement culturel." La technologie existe, mais son appropriation nécessite confiance et adhésion à tous les niveaux de l'organisation. D'où l'importance cruciale des partenariats : "Aucune banque ne peut y arriver seule car la durabilité nécessite des données de haute qualité et de l'innovation." Les collaborations avec fintechs, fournisseurs de données ESG et plateformes technologiques deviennent essentielles.

Le paysage bancaire des trois prochaines années se dessinera autour de cette capacité à créer de l'authenticité par la technologie. Melanie Zimmerling anticipe ainsi une recomposition majeure : "Les banques qui utilisent l'IA pour des données ESG transparentes, des produits personnalisés et un impact authentique se démarqueront." Dans trois ans, prédit-elle, la durabilité ne sera plus une simple question de conformité mais un différenciateur majeur pour la confiance client et la croissance de marché. Les institutions qui sauront franchir le fossé de l'authenticité ne se contenteront pas de répondre aux attentes réglementaires : elles créeront une nouvelle source d'avantage concurrentiel durable.

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