L’actualité a mis en lumière les risques de propagations d’épidémies, renforcés par deux facteurs : la surpopulation dans les villes qui deviennent de plus en plus denses et le développement des transports qui favorisent les mouvements des habitants. Le maillage territorial ajoute une difficulté, celle de pouvoir tester, isoler et traiter la population. La pandémie du Covid-19 va provoquer un impact financier conséquent, à la fois pour l’Assurance Maladie et pour les complémentaires. Deux questions majeures se posent : comment protéger les populations, notamment les plus fragiles, sans pour autant restreindre leur confort de vie et comment soutenir et soulager les établissements de soin tout en garantissant la sécurité des patients ?
L’évolution de la société amène le système à se repenser
En 2015, on recensait en France 2,5 millions de personnes dépendantes et 310 médecins pour 100 000 habitants ; en 2030, 45 % des plus de 65 ans seront considérés comme pré-fragiles et 13 % comme fragiles ; en 2050, les personnes en situation de dépendance seront 4 millions. Le vieillissement de la population entraîne un allongement de la durée de vie en situation de fragilité, de perte progressive d’autonomie ou de dépendance. Appelé le "silver tsunami", il engendre des conséquences économiques. D’une part, le nombre d’aidants augmente et représente environ 15 % des salariés avec un absentéisme estimé à 16 jours, de l’autre, les dépenses publiques sont à la hausse, avec une part annuelle de 23 milliards d'euros consacrée à la prise en charge de la perte d'autonomie.
Aujourd’hui, les visites de contrôle pour les personnes dépendantes sont principalement assurées par les aides à domicile et infirmiers libéraux qui agissent de manière ponctuelle dans la journée et plutôt indépendante. Une personne vivant seule, ne pouvant être surveillée constamment, peut vite être contrainte de rejoindre un établissement de soin dont le financement est généralement privé – descendance (les enfants ont le devoir de subvenir aux besoins de leurs parents si nécessaire) et public (Assurance Maladie, Conseils départementaux, État, …). Ce type de situations, ayant tendance à augmenter, conduisent à des réformes et évolutions réglementaires. Cette volonté de changement offre également aux assureurs une place de choix, celle de capitaliser sur la technologie pour orchestrer et faciliter son écosystème pour alors devenir accompagnateur, protecteur de l’assuré et de sa descendance, et non plus payeur.
L’IoT et une approche data driven pour mieux connaître et servir l’utilisateur
Selon l’étude Pipame de 2017, 9 % des plus de 75 ans avaient recours à la téléassistance et ce marché en France est estimé à 112 millions d’euros avec une croissance de 5% par an. La généralisation des équipements connectés à la personne et des équipements domotiques (comme une serrure connectée pour contrôler l’accès au domicile en cas d’urgence) ainsi que des solutions connectées spécifiques (plus orientées sur le plan médical) permet d’envisager à terme une meilleure connaissance des assurés, une anticipation et une atténuation des risques. Cela facilite également l’optimisation des propositions d’offres ou de services complémentaires aux personnes dépendantes et à leur entourage familial et médical.
Il s’agit d’envisager une solution facile d’accès pour l’assuré et l’assureur, c’est-à-dire une captation des mesures nécessaires aux spécificités de la personne dépendante. Un monitoring précis et quotidien est, d’ores et déjà envisageable via plusieurs solutions connectées existantes et technologiquement matures, de type pilulier ou pilule, détecteur de chute (bracelet ou collier), tensiomètre ou encore thermomètre. Le déploiement des technologies de suivi est relativement rapide, comme par exemple avec l’application mobile Covidom proposée par l’AP-HP permettant un "télésuivi à domicile" des personnes à domicile. Ces équipements laissent entrevoir un renforcement tout à fait plausible des services de suivi plus fins et fréquents via, notamment, la téléconsultation.
Couplées à une analyse précise des données, ces actions permettraient d’alerter et de mettre en place des circuits de santé plus courts et des consultations plus espacées dans les centres de santé. Toutefois, ces solutions ne sont pas massivement déployées, ni même fréquemment proposées. Le challenge est de réussir à orchestrer les différentes données générées dans un processus fiable, simple et économiquement viable. Il est donc nécessaire de pouvoir s’appuyer sur un écosystème fort et proposer une offre cohérente, sécurisée et abordable.
De plus, certains freins inhérents à ces technologies sont encore à lever, comme la chaîne de support et maintenance associée pour des équipements qui pourraient devenir de plus en plus critiques. Il est également nécessaire d’anticiper les défaillances, de proposer des échanges standards et d’autres services associés. La confiance en ces objets est un enjeu majeur qui nécessite une sécurisation de bout en bout. Les conceptions technologiques dans ce domaine, embarquant la sécurité par défaut et des capacités de mises en jour aisées, évoluent fortement même si elles sont très loin d’être généralisées. Dans ce schéma, les assureurs et mutualistes ont maintenant accès à des technologies suffisamment matures pour faire le lien et mettre en place cet écosystème (fournisseurs de technologies embarquées, de connectivité, logisticiens, mainteneurs/installateurs, fonctions support, commerce, etc.), autant d’acteurs à aligner et qui nécessitent plus que jamais un "chef d’orchestre". Celui-ci doit bien évidemment être le pilote mais, également animer chacune des parties prenantes autour d’un modèle économique qui reste à préciser.
En effet, de nombreuses tentatives ont révélé la difficulté de consolider une offre mêlant un investissement maitrisé, une valeur évidente pour le client et un retour sur investissement mesurable et à moyen terme. Face à ce marché multiple et éclaté, une posture de l’assureur à la fois pilote et animateur de l’écosystème apparaît dorénavant comme réalisable et opportune grâce aux éléments cités précédemment.
L’assureur, organisateur et tiers de confiance de l’écosystème
La volonté de rester chez soi en cas de situation de dépendance est marquée mais ralentie par trois irritants majeurs : la technologie, qui est perçue comme difficile d’accès par les personnes dépendantes, les doutes sur la sécurité (piratages, utilisation des données …) et un aspect gadget lié à un manque d’information sur les possibilités d’utilisation.
Confronté à ces doutes, il convient à l’assureur de se placer comme administrateur d’une plateforme de services optimisée, notamment grâce au monitoring assuré par les objets connectés. Celui-ci intervient alors comme orchestrateur, et surtout tiers de confiance en participant à la sélection des nombreux partenaires, en faisant bénéficier du réseau des professionnels de santé avec des tarifs négociés et en garantissant de la sécurité des données et des services (en intégrant, par exemple, une solution basée sur la blockchain à la plateforme). Cela conduit à un changement des processus et de la chaîne de valeur.
- Le modèle du référent : l’entreprise génère de la confiance et oriente les flux en valorisant les expertises et en capitalisant sur sa capacité d’influence ;
- Le modèle de l’intégrateur dominant : il vise l’intégration à l’extrême de l’écosystème qui devient une extension de l’entreprise en proposant une grande variété de services. À noter que ce modèle nécessite une maîtrise de bout-en-bout et pose des questions éthiques pour les entreprises européennes ;
- Le modèle orchestrateur : l’objectif de l’entreprise est de répondre à un besoin spécifique en s’appuyant sur des partenaires pour fournir la partie du service et de l’expérience qu’elle ne sait pas fournir seule. Elle se situe alors au cœur de l’écosystème qu’elle anime en tant que leader.
Ce dernier modèle permet de capitaliser sur la donnée et d’obtenir une connaissance plus fine des attentes de l’utilisateur sur l’ensemble du cycle de vie du client. En limitant la désintermédiation, l’expérience client devient alors centrale.
Le contexte démographique, le développement des technologies et de l’innovation permettent à l’assureur de trouver un nouveau rôle, plus complet à travers la réorganisation son écosystème et de ses offres. En collectant la donnée grâce à l’IoT et à l’entreprise plateforme, il acquiert ainsi une meilleure connaissance du client et peut renforcer son offre de services tout au long du cycle de vie du client.
En adressant l’ensemble de la chaîne de valeur avec l’intégration de partenaires innovants et différenciants (internes ou externes), l’assureur peut alors proposer de nouveaux parcours, renforcer le sentiment de proximité avec l’assuré et améliorer sa connaissance des risques pour mieux anticiper et gérer ses conditions tarifaires. Cette stratégie lui permet de se positionner définitivement dans un modèle a priori et non plus a posteriori, capable de s’adapter aux évolutions constantes de son écosystème.