Depuis le lundi 11 novembre, diplomates, entreprises et ONG convergent vers Bakou, en Azerbaïdjan, pour l’événement climatique de l’année : c’est la COP 29.
2024 sera l’année la plus chaude jamais enregistrée et devrait consacrer le dépassement des 1.5 degrés au-dessus des températures préindustrielles, selon Copernicus – l’agence européenne d’analyse du climat. Or, il est hautement probable que cette COP, jugée « secondaire » et boudée par la majorité des chefs d’Etat, ne débouche sur aucun accord d’envergure.
L’événement ressemble davantage à une opération d’influence de la part du régime azerbaidjanais, qui déploie son arsenal numérique sur les réseaux sociaux pour s’assurer qu’aucune contestation ne prenne pas le dessus sur les festivités.
Avant Bakou, il y avait Dubaï
L’histoire de la COP 29 en Azerbaïdjan, qui résonne comme un oxymore, car les hydrocarbures représentent 92% des exportations azéries et 45% de son PIB, commence réellement un an plus tôt, à Dubaï, lors de la COP 28. L’Azerbaïdjan obtint que l’Arménie lève son boycott sur la tenue de l’événement à Bakou, quelques mois après l’annexion du Haut-Karabakh.
Bakou pouvait ainsi sereinement se projeter sur la COP 29. A l’issue de ces 12 jours de tractations, il espère certainement faire aussi bien que la pétromonarchie du Golfe, qui, l’année dernière, avait profité de la tenue de la COP 28 pour tenter de signer une série de contrats pétroliers, en même temps que les dirigeants mondiaux s’accordaient sur une sortie des énergies fossiles. Une ironie qui devait secrète.
L’astroturfing face au risque réputationnel
Or, il y avait eu un hic : des journalistes d’investigation avaient révélé cette intention, donnant lieu à une réaction brutale sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’hypocrisie d’une telle pratique.
Pour sauver la face, Dubaï s’appuya sur une méthode d’influence numérique bien connue et efficace : l’astroturfing ou le similitantisme. Cette pratique consiste à créer un mouvement populaire factice à partir de comptes automatisés qui trompent de fait l’algorithme. Selon le professeur Marc Owen Jones, au moins une centaine de faux-comptes auraient produits 30 000 tweets lors de la COP 28 pour constituer un récit positif autour de l’événement, et plus généralement, pour vanter les mérites de l’organisateur.
On prend les mèmes et on recommence
Les organisateurs de la COP 29, conscients du scepticisme de nombreux militants et Etats, se sont armés et conduisent une campagne de similitantisme presque identique à celle de Dubaï. La campagne est révélée par l’ONG Global Witness, identifiant plus de 150 comptes suspects qui soutiennent, de manière coordonnée, la communication gouvernementale pour en accroître la visibilité. L’ONG identifie ces comptes comme faisant partie d’un seul et même réseau en regardant, par exemple, les dates de création des comptes – dans les 6 derniers mois pour plus de 90% d’entre eux, en analysant leur activité et des indices de coordination.
Ces nombreux comptes inauthentiques donnent de la visibilité aux publications de l’organisation sous l’hashtag #COP29, plutôt que des publications condamnant l’inaction climatique ou le bilan en matière de droits humains de Bakou. Ces mêmes comptes ne s’arrêtent pas à la COP 29, puisque 10% de leurs publications comportent l’hashtag #KarabakhIsAzerbaidjan.
Quelles perspectives de succès ?
Ce dernier volet de la campagne d’astroturfing achève de démontrer que l’enjeu de la COP pour Bakou est bien plus diplomatique que climatique. Cette manœuvre influencera peu les pays occidentaux, à commencer par la France, qui non seulement ne se rendra pas à la COP 29, mais recommande même à ses ressortissants d’éviter le pays, citant des risques d’incarcération arbitraire. Les débouchés de cette campagne visent plutôt le monde non-occidental, dont par exemple les pays du Golfe, qui pourraient être une source d’investissements, comme le souligne Ahmad Alili, directeur du Caucasus Policy Analysis Centre.