Depuis 2016, l’agilité à l’échelle est une tendance qui séduit de plus en plus d’entreprises et d’organisations. Si les méthodes agiles sont majoritairement utilisées dans la conduite
de projets informatiques - 89% des organisations déclarent qu’elles cantonnent l’agilité au périmètre
de la DSI - l’agilité à l’échelle a pour vocation de déployer l’utilisation des principes et des valeurs associés à l’agilité à l’ensemble de l’entreprise.
Pourquoi le passage à l’échelle est-il devenu une priorité pour un nombre grandissant d’organisations ? L’agilité à l’échelle tient-elle ses promesses et génère-t-elle réellement du ROI ?
Pourquoi étendre l’agilité à l’ensemble de l’organisation ?
Pourquoi démocratiser et utiliser les principes et les valeurs de l’agilité à l’échelle de son organisation ? Le passage à l’échelle est censé soutenir plusieurs objectifs :
- Accélérer le time to market dans un contexte ou l’environnement change de plus en plus rapidement afin de gagner en flexibilité et en vitesse d’exécution. Entre la naissance d’une idée et sa commercialisation,
de nombreuses équipes sont mobilisées : RH, IT, marketing, commerciaux… L’agilité à l’échelle doit permettre à l’ensemble des acteurs concernés de mieux travailler ensemble
pour réduire le délai de commercialisation.
- Apporter davantage de valeur ajoutée au client final. Au lieu d’imaginer les besoins des utilisateurs, l’agilité à l’échelle implique le client dans la discussion dès le départ pour identifier
ses attentes réelles et concevoir des offres qui correspondent réellement à ses besoins.
- Améliorer l’efficacité opérationnelle, optimiser la maîtrise des coûts et la prédictibilité est un autre objectif du passage à l’échelle. L’efficacité opérationnelle
passe notamment par la possibilité, offerte par l’agilité, de prendre en compte les changements de priorité en cours de projet.
- Apporter du sens au travail des individus. Déployées à l’échelle, les valeurs de partage et de collaboration redonnent motivation et envie aux collaborateurs. Par ailleurs, le passage à l’échelle
permet aux individus de développer leurs compétences et leur expertise. In fine, cette montée en compétences permet d’attirer et de retenir les talents.
- Enfin, l’agilité à l’échelle est le socle d’une culture d’entreprise commune à toute l’organisation. Cette culture, qui privilégie l’interaction et la collaboration, fait tomber
les silos.
Les promesses du passage à l’échelle sont donc séduisantes pour les organisations. Pour amorcer leur transformation, nombre d’entre elles se basent sur les modèles de Spotify, qui a conceptualisé tous les changements engagés pour instaurer une culture agile au sein de son organisation, et SAFe, très utilisé et approprié pour les projets de plus de 50 personnes.
Face aux promesses offertes par l’agilité à l’échelle, la réalité du terrain est toute autre. Ces dernières années, de nombreux passages à l’échelle ont été effectués, pour un résultat souvent décevant et un ROI difficile à démontrer.
Pourquoi l’agilité à l’échelle peine-t-elle à intégrer les organisations ?
L’échec des passages à l’échelle s’explique par plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux réside dans l’évolution nécessaire des postes de middle management. En effet, pour devenir
une organisation agile, il convient d’opter pour une organisation orientée produit au détriment d’une organisation en strates. Les équipes qui travaillaient indépendamment les unes des autres doivent maintenant
fusionner pour mieux collaborer, sous l’égide d’un product owner. De fait, les postes de managers de chacune de ces équipes voient leur périmètre évoluer.
Cette décision a plusieurs conséquences. Pour les middle managers, elle est susceptible d’engendrer de la frustration et de l’incompréhension. Du jour au lendemain, ces personnes doivent réinventer leur rôle au sein de l’entreprise.
En termes d’évolution de carrière, dans une organisation agile à l’échelle ce n’est plus le niveau de responsabilité des collaborateurs et le nombre de ressources qu’ils ont dans leur équipe
qui sont valorisés mais davantage leur expertise et leurs compétences. L’entreprise doit donc prendre en compte ce nouveau facteur pour éviter une fuite des talents.
Le système d’information est un autre facteur d’échec des passages à l’échelle. Quand on transversalise son organisation pour encourager la collaboration et l’agilité, il convient aussi de
repenser son SI pour favoriser la collaboration pluridisciplinaire et le partage de l’information à tous les collaborateurs. D’un côté, transformer son SI est une décision qui doit être mûrement
réfléchie et préparée. De l’autre, ne pas transformer son SI voue toute tentative d’agilité à l’échelle à l’échec.
Un passage à l’échelle engendre donc des transformations beaucoup plus profondes qu’il n’y paraît de prime abord. Ces transformations sont souvent sous-estimées, ce qui contribue à expliquer le manque de réussite des projets de déploiement de l’agilité à l’échelle.
Enfin, il faut également aborder la question des méthodes suivies par les entreprises. Beaucoup s’inspirent de Spotify, un modèle qui se base en effet sur la réussite de l’entreprise, mais qui est davantage
appropriée pour les startups que pour les grands groupes. D’ailleurs, Henrik Kniberg qui a déployé et théorisé le modèle de Spotify explique régulièrement que ce modèle ne peut
pas, et ne doit pas, s’appliquer tel quel à une organisation. Par ailleurs, SAFe, représente plus de 30% des transformations agiles à l’échelle.
Si SAFe est effectivement appropriée pour les projets informatiques de grande ampleur, ce framework peine à démocratiser l’agilité au reste de l’entreprise : il reste souvent cantonné à la
DSI et aux projets informatiques. À trop vouloir suivre une méthode, certaines entreprises oublient l’essentiel : chaque organisation est unique.
Alors comment s’y prendre pour mener sa transformation agile ?
Pour mener une transformation agile à l’échelle de son organisation, il faut avant tout considérer cette transformation sur le long terme. Il ne s’agit pas de bouleverser d’un coup l’organisation et les
croyances des collaborateurs, mais d’opérer une transition progressive, en douceur.
Puisque l’agilité s’instaure par la pratique, il convient d’abord d’identifier des périmètres ciblés sur lesquels la transformation va pouvoir facilement générer un retour sur investissement. C’est notamment le cas des périmètres liés au digital, à l’instar des digital factories. Entamer la transformation agile sur des activités spécifiques permet de mieux mesurer son impact.
Il est possible de capitaliser sur ces premières initiatives pour commencer à faire évoluer la culture d’entreprise et les croyances des collaborateurs. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place des communautés
d’échanges entre les différents corps de métier de l’entreprise, ainsi que des communautés de pratiques, par exemple autour d’une technologie spécifique ou d’une méthode. Ces dernières
vont diffuser le savoir accumulé et commencer une acculturation qui s’inscrira dans la durée.
Un accompagnement sur le terrain par du coaching et de la formation est également recommandé afin de mettre en place et d’utiliser au quotidien les bons leviers et les bonnes pratiques agiles. Ce coaching doit se faire sur le long-terme. Il convient donc soit de recruter des coachs, soit de former des personnes en interne pour remplir ce rôle.
Il y a aussi nécessité de repenser le cadre de gestion des carrières pour valoriser l’expertise plutôt que le management. Dans ce contexte, les mécanismes d’évaluation des collaborateurs autant
que la gestion des compétences et des talents doivent eux aussi être remis à plat. Ici, les RH ont un rôle majeur à jouer dans l’accompagnement de cette transformation.
Enfin, pour que cette transformation soit réellement efficace, le SI doit également évoluer pour transformer la culture d’entreprise. À ce titre, le développement d’API et définition d’une stratégie d’APIsation permet de fluidifier la circulation de l’information dans l’organisation agile.
En résumé, entamer un passage à l’échelle, c’est débuter un long voyage de plusieurs années. Ce voyage commence par le choix d’une méthode réellement applicable à votre contexte
et se focalise d’abord sur des sujets de fond qui apportent une réelle valeur ajoutée. Pour être sûr d’arriver à destination, il convient de mettre en place des métriques qui vous permettront d’identifier
concrètement le ROI de votre transformation agile.