Grâce à la généralisation des pratiques et des approches agiles, la gestion de projet atteint de nouveaux standards de performance. Là où un cycle de développement « en V » affichait jusqu’à
31 %* de projets annulés en cours de développement, les méthodes agiles font par exemple chuter ce taux à 9 %*.
Mais ces progrès restent insuffisants, tant que 50 %* des projets agiles se soldent encore par des dépassements de coûts et/ou de délais et que 64 %* des fonctionnalités développées ne sont que rarement, voir
jamais utilisées.
Il est temps pour les experts des méthodes agiles de s’interroger sur la réelle prise en compte des besoins clients, particulièrement au cours de l’exercice de priorisation par la valeur des product backlogs.
Pour adresser ce biais, la meilleure pratique consiste à rapprocher les experts analytics des équipes agiles.
Objectiver le développement de produits agiles
Les méthodes agiles soutiennent la transformation digitale des entreprises, en court-circuitant les lourdeurs associées au développement de solutions digitales. Elles concentrent leur action sur quatre aspects des pratiques de développement :
- La mise en valeur des utilisateurs, de leurs échanges, et de leurs interactions avec le logiciel ;
- La collaboration souple avec le client, qui
s’affranchit des limitations contractuelles pour mieux servir ses besoins ;
- La proposition de solutions opérationnelles, dont la valeur intrinsèque est rapidement activable par les utilisateurs ;
- Et la réaction face au changement - quitte à faire évoluer les plans et les roadmaps.
Les cycles en V se contentent de recueillir le besoin client avant le lancement d’une longue phase de développement « hors sol ». Ce n’est qu’à son issue que les équipes métier découvrent
une solution finalisée – qui se révèle généralement très éloignée du besoin initialement exprimé.
A l’inverse, les méthodes agiles embarquent les utilisateurs dans des cycles itératifs. Elles les impliquent dans chaque étape du développement de la solution logicielle. Les utilisateurs comprennent et maîtrisent chacune des fonctionnalités de "leur" outil métier.
Pilier de chaque produit agile, le product owner est le garant de la valeur du produit. Il est présent dès les premiers échanges avec les utilisateurs, dont il se fait le porte-parole. Il travaille au plus près des équipes de développement, auxquelles il rend accessible chaque item du product
backlog. De par son rôle central au cœur d’un développement agile accéléré, il lui revient souvent de dire « non » et de prendre les décisions nécessaires à la maximisation de la valeur du produit.
On peut donc se poser la question : comment aider le product owner à prendre des décisions pertinentes et objectives
Mettre l’expertise analytics au service de l’agilité
L’amélioration empirique et les cycles itératifs doit reposer sur des données fiables, mesurables, et collectées au plus proche du terrain. Mais leur accessibilité est compromise par de nombreux écueils,
de nature plus culturelle que technique. Certains biais cognitifs limitent la compréhension et la prise en compte des besoins clients. Et le besoin client lui-même manque parfois de maturité. Il doit traverser plusieurs cycles
itératifs de développement produit pour s’affirmer.
On ne saurait attendre du product owner qu’il relève seul ces défis. Pour réussir, il doit se reposer sur un expert analytics directement intégré dans l’équipe de développement.
Désynchroniser l’analytics et le développement : un mauvais compromis
L’analytics s’organise trop souvent comme un « projet dans le projet », déconnecté du besoin client et du travail de développement. La plupart des chantiers de développement ne font intervenir l’expertise
analytics qu’en amont, au moment de définir les SPECs et le wireframe d’un produit imaginé ; puis en aval, au moment de contrôler le produit fini. Il est alors souvent bien trop tard pour corriger les déficits
de performance constatés. Cette méthodologie très statique rappelle celle des cycles en V.
Même dans les projets de développement agiles, la délégation de l’analytics à l’équipe, en lui mettant à disposition des ressources et connaissances nécessaires peut être un levier d’amélioration.
On pense par exemple au cas d’un leader de l’assurance, qui a choisi la collaboration rapprochée avec une agence analytics sur chacun de ses projets de développement. Cette organisation a rapidement amélioré la performance du développement web. Mais elle laisse certaines difficultés irrésolues, telles que des délais dans l’analyse des données remontées defacto exogènes à l’équipe, qui impactent la capacité à prendre des décisions rapides ou encore une mauvaise compréhension, par l’équipe projet, de l’usage réel qui est fait du produit qu’elle développe.
L’implication d’experts analytics extérieurs extérieurs à l’équipe de développement de développement n’est donc qu’un premier pas vers l’objectivation de la performance.
Intégrer l’expertise analytics à une équipe agile orientée produit
Un mode d’organisation alternatif et qui tends vers la pluridisciplinarité des équipes, concept cher au cœur des agilistes, consiste à intégrer un expert analytics à l’équipe de développement
de produit. En mode Analytics Produit, l’expert analytics joue un rôle spécifique à chaque étape du développement. Il commence par objectiver le diagnostic de l’existant. Puis, au stade de la priorisation
et de la conception, il détermine les variables à mesurer pour définir le succès ou l’échec d’une fonctionnalité. Enfin, au cours de la réalisation, il apporte son soutien à l’équipe projet dans la mise en place des tags, des reportings, et dans l’analyse des usages pour rester au plus près des besoins
utilisateurs.
De par son rôle de guide, l’Agile Analytics transforme les projets de développement et objective les prises de décision à chaque étape.
C’est ce qui ressort du cas d’un leader du e-commerce, dont chaque équipe de développement agile compte un expert analytics. Il définit des KPIs choisis sur mesure pour chaque objectif, teste de façon objectivée
les différentes alternatives, supporte l’exécution de la solution retenue… La prise de décision se fiabilise, et le développement d’outils efficaces s’accélère. Grâce à
un réseau de coordination transverse aux équipes produits, l’Agile Analytics reste cohérent à l’échelle du Groupe.
Malgré ses limites, l’intégration de l’expert analytics est le modèle le plus efficace - à condition de l’adapter aux contraintes propres à chaque entreprise.
Transition vers l’Agile Analytics : les bonnes pratiques
Les pionniers de l’Agile Analytics sont, par définition, des experts de l’adaptation. Certaines bonnes pratiques accélèrent ainsi la transition de n’importe quelle organisation, quel que soit son degré d’agilité
initial.
Allier Agile Analytics et Analytics Produit
L’expertise analytics perd de son sens hors d’une démarche orientée produit. Tout ce qui impacte le produit digital (en coût, qualité, périmètre, …) doit faire partie de l’équipe,
ou à minima de l’organisation produit. Le critère d’organisation des projets, des équipes, et des sociétés ne doit plus être le domaine de compétences, mais bien la chaîne de valeur
à laquelle on contribue.
Grâce aux méthodes agiles, l’Agile Analytics devient aussi un levier de transformation qui rend possible la mise en cohérence des KPIs avec les usages produit, et le développement de produit en cycles itératifs
objectivés.
En construisant une méthode de développement data driven et orientée produit, l’Agile Analytics repousse les limites de la transformation digitale.
Monter en puissance par paliers
Les transitions vers l’Agile Analytics les plus efficaces procèdent par étapes. L’expert analytics commence par instaurer quelques indicateurs fiables. Puis il approfondit l’objectivation de la performance au fur et à
mesure du développement. Les délais d’adoption du produit diminuent, notamment car les équipes de développement ont l’opportunité d’intégrer l’usage de l’Analytics à leurs
modes de travail.
Valoriser la maturité de l’analytics, plutôt que l’outillage
La transition vers l’Agile Analytics exige un ajustement culturel. Elle embarque les équipes, et ne se limite pas à l’utilisation d’un tableau de bord, si personnalisé soit-il. Plus que les outils, ce sont le savoir-faire
et la capacité d’adaptation de l’expert analytics qui font le succès de l’Agile Analytics.
Cultiver une vision d’amélioration continue non-compétitive
Après tout, à quoi sert d’objectiver la performance, si ce n’est à comparer les chiffres ? Pourtant, les managers doivent résister à la tentation de faire de l’analytics un outil de mise en compétition
des équipes projet. Pour de meilleurs résultats, elles doivent se focaliser sur l’amélioration continue du produit dans chacun de ses aspects.
Autonomiser les équipes projet
Dans le même esprit d’amélioration continue et d’évolution culturelle, l’Agile Analytics donne aux équipes projet des objectifs de résultats, plutôt que de moyens ; tout en valorisant le droit à
l’expérimentation et à l’erreur.
C’est tout l’intérêt de l’objectivation de la performance, qui repère les dysfonctionnements et guide la prise de décision.
Coordonner l’action des experts analytics
La délégation d’un expert analytics dans chaque équipe peut affaiblir la cohésion de l’Agile Analytics à l’échelle Groupe. Mais cette limite n’a rien d’une fatalité ! Le morcellement
de l’expertise analytics peut ainsi être compensé par la création d’un rôle transversal. Un animateur peut par exemple faire circuler les savoirs et les bonnes pratiques – sans être intrusif dans la gestion du produit.
Envisager l’Agile Analytics comme un investissement de long terme
La transition est un processus long et complexe. Mais sa rentabilité est indiscutable, pour peu qu’on la compare aux dysfonctionnements de la gestion de projet classique. Dépassements des délais et des budgets, besoin utilisateur
insatisfait, erreurs hors de contrôle… L’investissement initial dans l’Agile Analytics sera vite compensé par les dépenses évitées.
Il ne faut néanmoins pas limiter le champ d’application de l’Agile Analytics aux produits digitaux avec une interface graphique. Il faut à présent s’inspirer de cette démarche pour en faire bénéficier
d’autres types de produits digitaux tels que les APIs, les plateformes de services…
* Source : Chaos report