Pour tirer le meilleur parti de l'IA agentique, les entreprises doivent se concentrer sur la stratégie, la conformité, la technologie, les données et les compétences ; rien que ça ? Non, il est aussi essentiel d'éviter les effets de mode, de garantir une gouvernance solide et de se concentrer sur l'expérience utilisateur, selon Kevin Macnish, responsable de l'éthique et du développement durable chez Sopra Steria Next UK.
Les agents d'IA les plus connus aujourd'hui
Parmi les agents d'IA les plus reconnus lancés par des développeurs majeurs figurent Operator d'OpenAI et Manus, développé par la startup chinoise Butterfly Effect. Les utilisateurs disposant d'un compte OpenAI Pro (200 $/mois) peuvent tester Operator, tandis que Manus est désormais accessible au grand public. Des plateformes comme ServiceNow et Salesforce proposent également des solutions d'IA agentique.
Ces prototypes ne sont certes pas encore capables de réaliser toutes les tâches envisagées pour un futur proche, comme réserver un vol de manière autonome, mais ils visent déjà des domaines d'application précis : support client, planification, achats, etc.
Tout laisse à penser que l'IA agentique va se généraliser rapidement, portée par un nombre croissant d'entreprises qui expérimentent cette technologie. Adept et Cognosys, entre autres, conçoivent des IA qui pilotent directement les logiciels : elles peuvent lire une recette en ligne et transférer automatiquement les ingrédients vers une liste de courses. CrewAI, quant à elle, est en train de concevoir un framework permettant à plusieurs agents d'IA aux rôles et responsabilités variés de collaborer efficacement.
Cependant, certains redoutent qu'une grande partie de ce qui est présenté comme « agentique » ne relève que du marketing. En effet, certaines entreprises présentent leurs chatbots basés sur des LLM comme de véritables agents, bien qu'ils manquent totalement d'autonomie d'exécution.
Pourquoi la préparation est essentielle
Même si ce n'est que le début, l'IA autonome s'intègre déjà dans certains processus réels. Mercedes utilise des agents d'IA pour l'assistance conversationnelle embarquée, tandis que Bayer les emploie pour prévoir les tendances épidémiologiques de la grippe. Après le bouleversement causé par ChatGPT et l'IA générative en 2022, nous entrons dans une nouvelle phase : celle de l'IA agentique.
Comme pour l'IA générative, ne pas se préparer (ou en interdire l'utilisation) ne l'empêchera pas de s'implanter dans votre entreprise. Cela ne fera qu'augmenter les risques d'une adoption non encadrée. Attention également, la préparation n'est pas seulement technique mais englobe également des enjeux de stratégie, de culture et d'organisation.
Ce que l'IA agentique change vraiment
L'IA que nous utilisons aujourd'hui, qu'elle soit professionnelle ou personnelle, est principalement une IA d'assistance. Elle nous aide par exemple à rédiger un e-mail, à cuisiner avec les ingrédients disponibles dans le frigidaire ou à résumer des documents.
L'IA agentique marque un tournant majeur : elle est autonome. Lorsqu'elle reçoit une tâche, elle élabore son plan d'action et l'exécute en mobilisant les outils nécessaires. Cette autonomie permet d'optimiser et d'accélérer significativement les processus.
Prenons un exemple concret, celui d'une IA assistée capable de rédiger le compte-rendu d'une réunion. Une IA agentique, elle, pourra planifier la réunion en amont, résoudre les conflits d'agenda, créer l'ordre du jour et le compte-rendu, et même impulser les actions décidées. Ce sera une IA qui non seulement aura tout planifié, mais réservera également les déplacements, commandera les repas et assignera les tâches de suivi, le tout sans aucune intervention humaine.
Les six piliers de la préparation
Il est normal de percevoir l'IA comme un simple sujet technique, puisqu'après tout, c'est effectivement une technologie. Mais comme nous l'avons constaté avec l'IA générative, la technologie s'inscrit toujours dans un contexte humain et organisationnel.
Le phénomène du « shadow AI » illustre bien cette réalité : une entreprise interdit l'IA, mais ses employés contournent l'interdiction via leurs téléphones personnels, créant une politique inefficace et des risques de fuite de données.
Voici donc les six piliers fondamentaux essentiels pour bien se préparer :
Stratégie
Il faut commencer par se demander comment l'IA agentique peut concrètement contribuer à la stratégie globale de votre entreprise. Sans vision claire et alignée, son déploiement risque d'être inefficace, voire tout à fait inutile.
Conformité, gouvernance et éthique
Votre entreprise dispose-t-elle de valeurs explicitement définies ? Certaines sont-elles spécifiques à l'IA ? Ces dernières doivent être intégrées directement dans la technologie elle-même.
Par ailleurs, disposez-vous de structures de gouvernance suffisamment robustes pour superviser les risques et bénéfices liés à l'IA agentique ?
Technologie et infrastructure
L'IA agentique doit pouvoir interagir de manière fluide avec vos systèmes actuels. Votre infrastructure est-elle techniquement prête ? Un agent IA ne pourra pas gérer efficacement des systèmes s'ils ne sont pas compatibles entre eux.
Données
Avez-vous accès à des données de bonne qualité et en quantité suffisante pour que l'IA fonctionne de manière optimale ? Trop d'entreprises ont adopté l'IA générative avec des données de qualité médiocre et ont obtenu des résultats… tout aussi médiocres.
Compétences
Quel est le niveau actuel de culture IA dans votre entreprise ? Pas uniquement chez vos développeurs, mais dans l'ensemble de vos employés. L'AI Act européen exige déjà la mise en place de programmes de formation spécifiques. Ce n'est pas encore une obligation au Royaume-Uni, mais les entreprises proactives ont tout intérêt à anticiper cette démarche.
Pièges courants à éviter
Comme toute technologie émergente, l'IA agentique comporte des pièges, tant pour les pionniers que pour les retardataires.
D'abord, méfiez-vous de l'effet de mode. Certains fournisseurs se contentent de rebaptiser leurs chatbots existants en "agents". Pour éviter de tomber dans le panneau, il convient d'évaluer le degré réel d'autonomie de ces solutions. Mais surtout, posez-vous cette question fondamentale : avez-vous vraiment besoin d'un agent ? Si un simple chatbot suffit à répondre à vos besoins, inutile de surinvestir.
Ensuite, l'IA (qu'elle soit d'ailleurs générative ou agentique) présente des comportements émergents difficiles à prévoir à grande échelle. Il existe heureusement plusieurs frameworks de gouvernance éprouvés : ISO42001, le Risk Management Framework du NIST, et bien sûr, l'AI Act de l'UE. Ces cadres normatifs aident à prévenir les risques éthiques, juridiques ou réputationnels majeurs.
Enfin, ne sacrifiez jamais l'expérience utilisateur sur l'autel de l'innovation. Les utilisateurs ne veulent pas se retrouver bloqués dans des boucles IA frustrantes et sans issue. Nous avons tous fait l'expérience de chatbots incapables de nous transférer vers un interlocuteur humain. Écoutez attentivement l'expérience utilisateur, testez à petite échelle, puis déployez avec prudence avant d'utiliser l'IA agentique pour des tâches plus délicates.
Ce que les dirigeants doivent faire maintenant
Les dirigeants doivent saisir que l'IA agentique offre à la fois d'immenses opportunités et des risques significatifs. Ils doivent donc d'abord évaluer comment elle peut concrètement renforcer leur stratégie pour ensuite identifier les bons cas d'usage et les expérimenter rapidement mais surtout intelligemment.
Soyez parmi les premiers à vous mobiliser, mais commencez petit et apprenez vite. N'attendez pas que le marché atteigne sa pleine maturité.
En parallèle, planifiez dès aujourd'hui cette montée en maturité. Concevez des structures de gouvernance transversales qui évolueront naturellement avec l'usage et impliquez toutes les parties prenantes : IT, opérations, juridique, RH, achats…
Appuyez-vous sur les politiques existantes, préparez consciencieusement vos collaborateurs et rassurez-les : leurs emplois ne sont pas fondamentalement menacés.
L'IA agentique ne vise pas à remplacer purement et simplement les humains. Elle sert à repenser intelligemment ce que les humains font de mieux, ce que l'IA peut accomplir de son côté et surtout, ce que nous pouvons réaliser ensemble.
Les entreprises qui s'y préparent sérieusement maintenant ne se contenteront pas de déployer des agents, elles apprendront à les diriger efficacement.