Longtemps cantonnés à l’univers des crypto-actifs, les stablecoins sont en train de devenir l’un des sujets les plus stratégiques de la finance mondiale. Aux États-Unis, leur utilisation est maintenant assumée dans les paiements de détail et dans la tokenisation, c’est-à-dire la migration des infrastructures de marché vers la blockchain. En Europe, les autorités poussent pour un euro numérique, animées par des objectifs de souveraineté. Dans ce contexte, les banques européennes doivent se préparer à naviguer entre ces deux visions incompatibles dans leur logique mais vouées à coexister.
Des instruments en pleine mutation
Pensés à l’origine comme un moyen de règlement pour les transactions sur les crypto-actifs, les stablecoins ont depuis franchi ce périmètre. Dans plusieurs pays affectés par une forte inflation, ils jouent le rôle de refuge monétaire pour la population. Leur adoption se développe aussi dans les paiements transfrontaliers, où leurs faibles coûts de transaction bousculent des circuits historiques pesant près de mille milliards de dollars par an.
Mais le changement déterminant se situe ailleurs, dans la tokenisation, c’est-à-dire la migration des actifs financiers vers la blockchain. Actions, obligations, fonds monétaires ou matières premières évolueront progressivement vers ces formes tokenisées, ce qui nécessitera des actifs de règlement nativement numériques. Aux États-Unis, la loi GENIUS adoptée en 2025 confirme que ce rôle sera assuré par des stablecoins privés, dont la plupart sont indexés sur le dollar.
« Nous basculons dans une phase où les stablecoins deviennent la colonne vertébrale des marchés tokenisés américains. C’est un changement d’échelle comparable à la dématérialisation des titres dans les années 1980. Les établissements qui anticipent ce basculement prendront une avance durable », analyse Mung Ki Woo, Directeur des Opérations au sein du vertical Services Financiers de Sopra Steria.
Washington avance d’un pas, et redéfinit le terrain de jeu global
Les autorités américaines ont opté pour une stratégie claire : s’appuyer sur la dynamique d’innovation privée. Les grandes banques outre-Atlantique développent désormais leurs propres stablecoins, pariant sur un futur où ces instruments seront au cœur du fonctionnement des marchés.
Les institutions européennes actives aux États-Unis n’auront pas le choix : les stablecoins pourraient rapidement y devenir un standard opérationnel.
L’Europe suit une trajectoire opposée, portée par la souveraineté monétaire
À Bruxelles, la logique est tout autre. L’euro numérique de détail — encore contesté par certaines banques — vise à créer un équivalent électronique des espèces, avec un double objectif : sécuriser la souveraineté européenne dans les paiements et réduire la dépendance aux infrastructures non européennes. Un second projet, un euro numérique de gros, pourrait devenir un outil essentiel pour soutenir la tokenisation des marchés européens à partir de 2027.
« Les approches américaine et européenne se répondent en miroir. Les États-Unis misent sur les monnaies privées ; l’Europe défend une monnaie numérique publique. Pour les banques européennes, comprendre ces deux logiques est indispensable puisqu’elles devront composer avec les deux simultanément », poursuit Mung Ki Woo.
Trois choix stratégiques majeurs se posent à elles :
- Définir leur positionnement vis-à-vis de l’euro numérique de détail, dont l’arrivée semble probable ;
- Identifier l’actif de règlement pertinent pour la tokenisation : stablecoins sur les marchés internationaux, euro numérique de gros en Europe si sa mise en œuvre tient ses promesses;
- Décider du rôle qu’elles souhaitent jouer dans l’écosystème crypto, alors même que la réglementation MiCA a défini un cadre robuste mais encore peu investi par les grands établissements européens.
Un besoin accru d’expertise technologique, financière et réglementaire
Qu’il s’agisse d’émettre un stablecoin, de rejoindre un consortium, ou d’intégrer l’euro numérique dans les services clients, ces changements appellent des partenaires capables d’opérer à la croisée de la blockchain, de la réglementation et de l’intégration dans les systèmes bancaires existants.
Acteur européen de référence dans la transformation des services financiers, Sopra Steria accompagne déjà plusieurs établissements pionniers sur ces sujets. Ses interventions conjuguent analyse de valeur, conception d’usages et déploiement opérationnel de solutions blockchain, permettant aux banques d’aborder cette transition avec lucidité et maîtrise.
Une nouvelle architecture financière se dessine
Entre monnaies privées, crypto-actifs, monnaies numériques publiques et marchés tokenisés, le système financier vit une transformation sans précédent depuis l’essor d’Internet. Les États-Unis ont clairement affiché leur choix. L’Europe construit le sien. Aux banques désormais de préparer leur place dans un paysage à double logique.
La question n’est plus si ces innovations s’imposeront, mais comment les institutions financières y trouveront leur avantage compétitif.
« Les décisions prises aujourd’hui conditionneront la compétitivité des banques de demain », conclut Mung Ki Woo.
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